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Bvajot

Bvajot est venu pour me voir, et je ne savais pas qui il était. Le nom évoquait quelque chose, je ne pouvais pas mettre mon doigt dessus. Je me suis réveillé et voilà, comme les dernieres réverbérations d’un nom prononcé. Mais, dit par qui? Un message pas clair, clairement adressé à moi. Et donc sans agent apparent, il fallait assumer qu’il était venu de loin, de l’arrière de la scène. Pas de Shakespeare, et pas de Iago. De plus en arrière et d’un autre auteur.

C’est comme un message qui dit, Il y a seulement toi et moi, et mon nom est Bvajot, bien que j’aie d’autres noms. Comme ‘Pas Encore, Je ne Suis pas Prêt’ et ‘Si vite?’ et ‘Choisis un Autre, Quelqu’un Qui n’est pas Bon, Qui Torture et Tranche et Déchire et Qui Brûle Vifs D’autres Êtres Humains.’

Mais tu es reparti à nouveau et j’ai à peine eu une chance d’écrire ton nom. Bvajot. Un nom à consonance slave. Un endroit où j’espère ne pas avoir à aller.

Des questions remontent à la surface. Mon numéro comment l’as obtenu? À travers la loterie? En faisant tourner la bouteille? La première maison que ton cochon à trois pattes a choisi lorsque la lune était pleine et que le vent commencait à souffler? Et puis tu l’as dit seulement une fois: “Bvajot.” Est-ce que ça a été pour voir si je l’entendrais? Et quoi si je ne m’étais pas réveillé? M’aurais-tu pris? Tu m’aurais pris jusqu’au bout? Ou m’aurais-tu seulement conduit vers le canal et m’aurais-tu jeté à l’eau glacée, pour que, lorsque j’en serais sorti en rampant, j’aurais commencé à trembler et claquer des dents, en même temps que le fièvre essayait d’ entrer en moi par les oreilles, comme des sangsues de la couleur du foie.

Viendras-tu maintenant chaque soir pour dire le nom? Bvajot, Bvajot, Bvajot? Pour voir si je l’entends?

Mais, parce que je me sens un peu plus confiant maintenant, il me faut demander, si c’est le nom de ton chien, pas le tien, un mascotte qui s’est égaré vers le monde des vivants, mais qui s’est détourné devant ma porte, effrayé par quelqu’autre pouvoir? Peut-être par ta propre froide autorité, la voix qui fait que les loups grincent des dents et que les oiseaux tombent du ciel?

As tu commencé à penser à moi beaucoup plus tôt? Quand j’avais six ans et que je me suis assis seul dans l’hôpital, les jambs croisées, dans le lit de fer, en frottant l’abandon loin de mon coeur—une attaque d’amygdales contre moi. Est-ce comme ça que tu m’as trouvé pour la première fois et que tu m’as ajouté à ta liste?

S’il te plaît, ne m’appele pas à nouveau, c’est un mauvais numéro, il n’y a personne de ce nom ici, s’il te plaît, retire-moi de ta liste, tu n’as pas ma permission de communiquer avec moi. J’ai d’autres plans, je n’écouterai pas. S’il te plaît, accepte mes condoléances. Je vais accrocher de l’ail et du formaldéhyde partout. Je vais dormir avec des bouchons d’oreilles d’éponge bleue et avec un oreiller sur l’oreille. Quand je ne t’endends pas, ça ne compte pas comme si étais prêt à te rejoindre dans ta maison.

Et de toute façon à qui appartient le nom? Puisque il renvoie à là d’où il vient, ce n’est pas moi que tu appelles, et donc c’est ton nom. Cet’appel est auto-référentiel et pour cette raison il ne s’agit pas de moi. Ça ne m’intéresse pas de toute façon. Toutes les phrases précédentes—toutes les divagations—ne représentent rien de plus d’une lacune. Ça c’est tout. Profite de ton nom. Appele-le souvent. Je n’écouterai pas, parce qu’il ne s’agit pas de moi. Nous avons terminé, Bvajot. Au revoir à jamais!